Paroles de pro

Accès à la terre réussi grâce à la pluralité des financeurs

Lucas Humbert et Jean-Baptiste Faure, deux jeunes agronomes, sont à la tête de la ferme Lou Arban à Augères depuis un an. Associés en GAEC, ils ont bénéficié d’une multiplicité de financeurs pour réussir leur installation en Creuse sur près de 400 ha.

En 2022, lors de leur dernière année d’études à l’École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Lucas Humbert et Jean-Baptiste Faure décident de s’associer pour reprendre une exploitation. Sur le site Propriétés Rurales de la Safer, ils repèrent une ferme de 390 ha en Creuse. Bien que le prix et la surface soient au-dessus de leur budget, ils contactent la Safer et s’entretiennent en visio avec Romain Chanut, l’un des référents du site en Nouvelle-Aquitaine. « Il y avait un problème par rapport au prix, signale Jean-Baptiste, mais finalement ça a pu se résoudre. »Plusieurs acteurs sont en effet entrés dans le jeu pour permettre de dépasser le problème du poids capitalistique de la cession.

« Cela a été une évidence »

Le 1er juillet 2022, ils se rendent sur la ferme que Christophe Durand veut transmettre. « On est arrivé en train et on a fini à vélo ! », raconte-t-il. lls avaient déjà apprécié les paysages sur la vidéo de la ferme mise en ligne par la Safer. « Cela donnait une bonne impression, remarque Lucas, et en arrivant, cela nous a plu. » Après une heure de visite, le cédant leur demandait s’ils comptaient venir. « Cela a été une évidence, Christophe voulait qu’on reprenne le 1er septembre mais nos contrats d’apprentissage se terminaient le 1er octobre, il fallait du temps pour les démarches, un temps incompressible. » Christophe Durand aura mis trois ans pour transmettre l’exploitation familiale. Héritier de ces terres familiales, il cherchait un profil précis.

Zoom sur

Le portage foncier s’apparente à un système d’acquisition progressive pour le foncier qui est porté par la Safer pour le compte des nouveaux installés. Mis en place en partenariat avec la Région Nouvelle-Aquitaine, certains départements, des banques et des coopératives, il permet de différer l’acquisition du foncier non bâti.

Deux jeunes agriculteurs installés par la Safer Nouvelle-Aquitaine

Jean-Baptiste Faure et Lucas Humbert avaient envisagé de s’associer et ils ont finalement trouvé la ferme dont ils rêvaient sur Propriétés Rurales, le site de la Safer.

parcelles agricoles

« J’aurais pu vendre pour l’agrandissement en un mois ou deux, précise le retraité, mais j’avais la volonté d’installer des jeunes. Il fallait trouver des candidats qui me correspondent et qui repartent sur une dynamique bio. »

Pas facile de trouver le bon profil avec 390 ha à céder dont 30 ha de bois, des haies, des bandes herbacées et un étang. « Sans la Safer qui a repéré les deux jeunes, Fermes En Vie et les citoyens qui ont investi, ce genre d’affaires serait impossible, assure-t-il. Leur implication a été décisive. » Même si les méthodes agricoles et les circuits de commercialisation diffèrent, il est heureux d‘avoir transmis son exploitation.
« Ces ingénieurs apportent de la matière grise et de la réflexion » lance-t-il. Et les deux emplois à temps plein ont été maintenus.

J’aurais pu « vendre la ferme à l’agrandissement en un mois ou deux, mais j’avais la volonté d’installer des jeunes

Zoom sur

Le portage foncier s’apparente à un système d’acquisition progressive pour le foncier qui est porté par la Safer pour le compte des nouveaux installés. Mis en place en partenariat avec la Région Nouvelle-Aquitaine, certains départements, des banques et des coopératives, il permet de différer l’acquisition du foncier non bâti.

« La Safer a joué le jeu de l’installation »

Durant six mois, les futurs associés vont travailler sur leur projet et franchir toutes les étapes. « On voulait que ça aille plus vite »
renchérit Jean-Baptiste. Le montage financier et juridique est pourtant bouclé rapidement avec l’appui de la Safer et de FEVE qui ont porté les terres représentant 35 % du financement. Le Crédit Agricole a accordé un prêt couvrant 60 % de l’opération. Les 5 % restants sont leur apport personnel, constitué pour 2,5 % de la Dotation Jeune Agriculteur. Le portage foncier de la Safer concerne 65 ha et cent hectares sont en fermage donc non financés. « Nous avons découvert Fermes En Vie durant l’installation, précise Lucas. FEVE connaissait la ferme pour l’avoir visitée avant nous, ils ont porté 180 ha que nous rachèterons dans 6 ans. »

L’accès au foncier représentait un enjeu de taille mais il a été facilité grâce aux partenaires. « La Safer a joué le jeu de l’installation avec FEVE, remarque Jean-Baptiste, le portage nous a facilité la tâche. De plus, la Safer nous a apporté un service technique et juridique et mis en relation avec la banque et différents organismes ». L’exploitation a été officiellement transmise le 12 mai 2023.

Vincent Eclache, directeur de la Safer en Creuse, connaissait depuis très longtemps cette exploitation, « l’une des plus belles structures de la Creuse par sa taille et la capacité du cédant à s’adapter au marché en vrai chef d’entreprise » souligne-t-il. La Safer a travaillé à l’amiable avec ce dernier pour
mener à bien le projet. « Nous avons géré cette transmission et fait en sorte d’aligner les planètes pour que cela aboutisse, relate-t-il. Nous avons accompagné depuis l’amont jusqu’à la signature de l’acte en mettant en œuvre toutes nos ressources internes, nos outils avec le portage et notre réseau, la MSA, la DDT, les banques et les notaires. Cela a été très vite, 3 mois seulement. Le travail mené a été très poussé compte tenu de la complexité du dossier ». À titre d’exemple, la fiscaliste de la Safer a accompagné les repreneurs chez le
juriste pour la création du GAEC. « La Safer a déjà stocké et attribué du foncier à FEVE pour d’autres projets d’installations en Nouvelle-Aquitaine, constate-t-il. Ici nous innovons, car c’est la première fois que Safer et FEVE s’associent et portent du foncier en même temps pour permettre l’installation. »

 

Diversifier les grandes cultures et les légumes

La ferme de Lou Arban est répartie sur 3 communes, dont plus de 200 ha à Augères d’un seul tenant. Le système broutard, en place depuis 10 ans avec 130 vêlages de limousines par an, va disparaître. « L’objectif est d’arrêter les broutards en 2025, de produire des veaux de boucherie pour la restauration collective et des génisses de reproduction dont une partie sera vendue et valorisée qualitativement » indique Jean-Baptiste. Des débouchés ont été trouvés auprès de la coopérative bio du Sud-Ouest Le Pré Vert. Quelques 250 ha sont affectés aux grandes cultures pour l’alimentation humaine (blé, blés anciens, seigle, sarrasin, tournesol colza, orge de brasserie). Des pommes de terre et légumes de plein champ ont été plantés l’an dernier sur un demihectare, complétés, cette année, par de l’épeautre, de l’avoine, du maïs, du lin et du petit épeautre en grain. Une expérimentation est menée avec la Chambre d’agriculture sur du blé dur (2 ha) pour faire des pâtes. « L’objectif est de diversifier les légumes avec des poireaux, choux et oignons et les cultures avec soja, lentilles, pois chiche et haricots secs pour augmenter la production » ajoute Lucas. Un projet d’agroforesterie est aussi envisagé avec la plantation d’arbres fruitiers, de chênes, de hêtres… sur les 110 ha d’herbe pour favoriser la biodiversité. Un magasin doit ouvrir sur la ferme en 2025. Enfin, les 7 000 m² de toitures seront couverts de panneaux photovoltaïques, un projet sur 6 ans.

simon bestel

Fermes En Vie facilite l’installation agricole grâce à l’épargne

Créé en septembre 2020, la société Fermes En Vie basée à Bordeaux œuvre dans le champ de l’économie sociale et solidaire en aidant des porteurs de projet à accéder au foncier. Après avoir démarré en Nouvelle-Aquitaine, son activité gagne d’autres régions. « Le but est d’installer des jeunes ayant des pratiques en agroécologie, explique Simon Bestel, cofondateur. Via notre foncière, nous achetons des exploitations qu’on met en portage avec location et option d’achat. Nous en avons acheté une vingtaine
d’au moins 30 ha un peu partout en France, majoritairement en Nouvelle-Aquitaine, qui font en moyenne 50 à 100 ha avec polyculture, élevage, grandes cultures, verger, maraîchage, sauf de la vigne. Une trentaine de jeunes ont pu s’installer. À Augères, FEVE porte 180 ha. Pour le rachat, on préconise 10 à 15 ans, le temps que l’exploitation fonctionne bien. À Augères, c’est la première fois que nous sommes associés avec la Safer. C’est vraiment innovant cette multiplicité de financeurs et c’est notre première double installation. »

Pour en savoir plus : www.feve.co

Crédits photos : Corinne Mérigaud, Ferme Lou Arban, Ferme En Vie, Safer NA

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