Paroles de pro

À Flayat en Creuse, l’installation de néo‑ruraux redynamise le village

Si l’attrait de vie à la campagne pour les citadins n’a pas attendu l’arrivée du Covid 19, il est certain que la pandémie et sa horde de confinements ont accentué le phénomène. Flayat, village d’un peu plus de 300 âmes dans la Creuse, en est l’illustration à la fois parfaite, et « extra-ordinaire ». En 2 ans, il a accueilli 17 nouvelles familles ! Parmi elles, Quentin Fouré, sa compagne, et leur petit garçon. Accompagnée par la Safer, l’arrivée de cette famille grenobloise dans le village a permis de débloquer la vente d’une ferme à l’abandon depuis plus de 20 ans, mais aussi de consolider des exploitations agricoles voisines, le tout dans le respect et la protection de zones humides présentes sur le secteur.

Là où certains ne voyaient qu’une ancienne ferme traditionnelle en ruine, Quentin Fouré, alors développeur web à Grenoble, et sa compagne, ont vu, en début d’année 2020, l’opportunité d’ « un changement de vie » : une vie « au calme », loin de l’agitation de la ville pourtant jusque-là si stimulante pour le jeune couple. Mais avec la naissance de leur petit garçon, s’est « imposé le souhait de pouvoir le voir s’épanouir dans un cadre qui ne soit pas bétonné et plus vert ». À cela, s’ajoutait aussi « l’envie de renouer avec une pratique plus manuelle ».

Le couple, propriétaire depuis octobre 2020, a donc déjà planté une cinquantaine d’arbres et arbustes fruitiers sur une parcelle de sa nouvelle propriété : argousiers, baies de goji, myrtilles, mais aussi pommiers, poiriers, et quelques plantes médicinales. Si pour l’heure il n’y a pas d’activité agricole proprement dite, mais plutôt des « tests », leur projet à terme va dans ce sens : « nous voulons renouer avec une tradition de polyculture paysanne. Des filières se mettent en place en Creuse, sur le noisetier ou sur les plantes médicinales… On doit avoir un travail sur les perspectives qui sont associées à chacune de ces filières », reconnaît le néo-rural et fier de l’être.

Consensus et apaisement

Cette nouvelle arrivée dans le village, est une joie pour Patrick Mounaud, maire de Flayat. « La propriété acquise par Quentin Fouré, était en vente depuis très longtemps, mais à un prix bien supérieur au prix réel de vente. Il y a donc eu une collaboration essentielle avec la Safer à différents niveaux, explique-t-il. Tant dans
la relation avec le vendeur, pour arriver à une évaluation juste du prix, que dans la médiation avec les personnes intéressées parles surfaces de la ferme. Le tout dans la recherche du consensus. » Consensus et apaisement, deux éléments « extrêmement importants » pour l’élu, soucieux de mener dans cet esprit la politique d’accueil du village.

Avec de nouveaux foyers, Flayat voit là de belles perspectives pour son avenir. Dont le maintien de son école. « On avait l’habitude de travailler avec la Safer pour des échanges de parcelles entre agriculteurs. Là c’est une orientation nouvelle : la Safer se soucie véritablement du développement rural, aussi bien économique que du nombre d’habitants ! », synthétise-t-il avec satisfaction.

L’arrivée de la famille grenobloise dans le village a permis de contribuer à son développement, redonner vie à des parcelles à l’abandon, sans rien sacrifier à la protection de l’environnement

« Localement, personne n’était intéressé »

Pour Corentin Bouchet, le conseiller foncier Safer en charge
du dossier, c’est bien Quentin Fouré, « le sauveur de la situation » autour de cette ferme et ses 24 ha jusque-là invendables. « Localement, personne n’était intéressé par la maison, totalement à l’abandon, avec beaucoup de forêts et des terres agricoles en très mauvais état, sur des parcelles très éclatées. Et pour un prix trop élevé, que les vendeurs ont bien voulu revoir à la baisse ». Tout comme accepter l’idée qu’il n’y ait pas qu’un seul acquéreur. Après accord avec le vendeur, une fois lancé l’appel à candidature par la Safer pour l’achat de la propriété, 7 personnes se sont manifestées. « Au final 5 candidats ont été retenus, avec le souci, souligne-t-il, de trouver un arrangement pour que tout le monde soit satisfait ».

Objectif atteint. Quentin Fouré, le premier, le reconnaît volontiers : « la Safer, a été très bénéfique, car au départ, il y avait trop de terrain pour nous. On a été contents qu’une partie des terres soit réattribuée à d’autres ». Une répartition fine et un travail de réaménagement parcellaire ont été mis en œuvre. Si le couple néocreusois s’est vu attribué le bâti et un peu plus de 11 ha, trois riverains, dont un agriculteur et un propriétaire de gites, ont pu également bénéficier de surfaces.

Protéger mais pas mettre sous cloche

Enfin, dernier attributaire de cette vente : le Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) de Nouvelle-Aquitaine pour 8,92 ha, au regard de la richesse environnementale d’une partie de la propriété entre zones humides et végétation de bosquets et de vieux saules. Ils apportent diversité au paysage et biodiversité, et notamment la présence de la pie grièche grise. « Il ne reste que 2 populations en Limousin, soit quelques dizaines d’individus, ce qui est peu. Il faut donc veiller à préserver leurs milieux pour qu’elles puissent continuer à chasser et se reproduire », explique Sophie Catoir, chargée de mission au CEN. Mais, protéger ne signifie pas mettre sous cloche. Sophie Catoir explique que « l’objectif du CEN est que ces milieux humides remarquables soient à nouveau entretenus par une activité agricole, par pâturage ou par fauche, pour pouvoir conserver leurs qualités environnementales et de biodiversité ». Avec l’intervention de la Safer, un accord a été trouvé sur des parcelles qui intéressaient à la fois le CEN et un agriculteur voisin, Sébastien Laroche. Outre l’achat de 3,11 ha lui permettant de restructurer sa propriété, 2 ha supplémentaires lui sont loués par le CEN pour qu’il puisse faucher, en plein été, la végétation qui s’y trouve. Une végétation non pas pour nourrir le bétail mais pour pailler sa stabulation. Pour lui, une manière d’être plus autonome économiquement, tout en entretenant l’espace naturel. « Cela ne va rien changer dans mes pratiques », glisse-t-il satisfait de l’accord. « Je suis soumis à une Mesure Agro Environnementale : je dois rentrer les bêtes tout l’hiver et ne pas passer l’épareuse, ni tailler de haies à certaines époques… Or la MAE rejoint les critères du Conservatoire ». Tout est bien qui finit bien donc, y compris pour les pies grièches grises !

Publié le 30/07/21 sur Aqui.fr par Solène Méric et Julien Privat
Crédit photo :  JPrivat

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